ET DIRE QU’UN ARBRE…

Et dire qu’un arbre, après avoir traversé des décennies de saisons, finit par se retrouver sous nos mains, prêt à entamer une nouvelle vie. Le noyer que j’ai choisi pour ce projet portait encore dans ses veines la mémoire de son enracinement profond. Chaque veinure est comme une cicatrice, un souvenir gravé dans le bois.

Après la découpe et l’assemblage, vient le temps du collage. Les planches s’unissent sous la pression des serre-joints, comme si elles réapprenaient à former un seul corps. C’est une étape silencieuse, presque solennelle. Le bois craque parfois doucement, comme pour nous rappeler qu’il reste vivant, qu’il se transforme encore.

On attend...

Une fois libéré des serre-joints, le panneau dévoile ses lignes continues, ses contrastes subtils. On y devine déjà la force du meuble à venir, mais il faut encore le caresser, le polir, l’amener à se révéler. Le rabot murmure en glissant, le papier abrasif effleure, lentement, patiemment, jusqu’à ce que la surface capte la lumière comme une peau satinée.

Vient ensuite l’instant où la main rencontre l’huile. Le bois s’assombrit, prend de la profondeur. Les veines s’illuminent, les contrastes explosent comme une photographie qu’on développe sous nos yeux. C’est toujours un moment magique — voir le meuble respirer pour la première fois, comme s’il se souvenait soudain de ses racines et acceptait sa nouvelle forme.

Et dire qu’un arbre, après avoir traversé tempêtes et soleils, finit par se poser dans une maison, prêt à partager d’autres histoires. C’est peut-être ça, au fond, le vrai privilège d’un artisan : accompagner le bois dans ce passage, et lui offrir une seconde vie qui sera témoin d’encore bien d’autres vies.

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